Anne Vanderdonckt

Hé Andie, dis-moi gris, Andie

Anne Vanderdonckt
Anne Vanderdonckt Directrice de la rédaction

Anne Vanderdonckt observe la société, ses évolutions, ses progrès, ses incohérences. Partage ses doutes, ses interrogations, ses enthousiasmes. Quand elle se moque, ce n’est jamais que d’elle-même.

Dans le sillage de tous les mouvements #quelque-chose et du bodypositivisme, de plus en plus de marques mettent la diversité des corps en avant. Corps plantureux, corps imparfaits, corps handicapés, amputés, corps ethnicisés, corps transgenres... Corps de 50 ans. Opportunisme? Ne soyons pas naïfs. La publicité a pour but de faire connaître et vendre des produits, pas de changer la société. Rarement elle précède le changement. Elle digère ce qui existe déjà et le régurgite au moment où le marché a intégré ces idées encore suffisamment nouvelles pour paraître originales. C’est son job, rien à redire à ça.

Il est certes étrange, et vexant, que les personnes nées avant le choc pétrolier soient brandies comme une minorité, elles auxquelles on reproche justement d’être trop nombreuses, de renverser la pyramide des âges, d’ébranler le système des pensions et de la sécurité sociale. Mais soit, ne faisons pas la fine bouche.

Désormais, il n’est plus si rare que des 45 ou 50+ présentent des produits qui ne leur sont pas spécifiquement destinés et, même si nombre de marques continuent à user de clichés d’un autre âge, ils ne sont plus obligés de jouer les caricatures de ce que par ailleurs l’immense majorité des 50+ ne sont pas: des petits vieux ayant renoncé à tout sauf à une retraite au soleil et à gaver leurs petits-enfants de douceurs authentiques et sucrées qui les enverront tout droit chez le dentiste.

C’est une victoire que d’ouvrir un magazine et de tomber sur une de nos magnifiques mannequins aux longs cheveux gris présentant des sous- vêtements. Une autre représentant une chaîne de produits cosmétiques. Une autre encore posant pour une marque de vêtements de sport. Mariëlle! Catherine! Marie! Et puis notre Jean qui, lui, n’a jamais dû incarner le largué numérique. Mais bon, lui, c’est un homme, ses cheveux gris évoquent le côté responsable de l’homme d’affaires arborant des montres à valeur patrimoniale.

Un autre indicateur du changement en marche, c’est le monde du cinéma. Prenez Cannes et son dernier festival. Le tapis rouge sur lequel les influenceurs, top models et créatures de téléréalité côtoient des acteurs, réalisateurs, et aussi, mais de moins en moins, quelques vraies stars. Cette année, qui a fait sensation? Sharon Stone, 63 ans, solaire avec son grand fils et sa robe de princesse Disney. Et surtout Andie MacDowell, qui restera à jamais la Carrie dont Hugh Grant tombait amoureux dans 4 mariages et un enterrement (1994). Et là, à 63 ans, cette femme dont la beauté n’a jamais été formatée, égérie de L’Oréal Paris depuis vingt-six ans, contre l’avis de son agent, rayonne sur le tapis rouge, pour la première fois avec une abondante chevelure grise. Qui, déclare-t-elle, lui donne une sensation de puissance. « Si Georges Clooney le fait, pourquoi pas moi? ». La Palme de l’audace brisant les codes dans ce royaume du paraître et de l’illusion, c’est elle qui l’a décrochée. Oser être soi. Clamer que vieillir n’est pas une maladie honteuse, quel que soit son sexe. Hé Andie, on te dit oui, cent fois oui Andie!

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