J’ai testé : Bénévole en festival
Je ne suis pas très festival. Mais je suis très bénévole. Je n’aime pas la foule. Mais j’aime follement les gens. Je suis plutôt lamentable en musique et autres bands (inter)nationaux. Mais j’apprécie allègrement les fonds sonores qui me font doucement dandiner du bassin et dodeliner de la tête.
Sachant tout cela, pourquoi donc, me diriez-vous, me suis-je inscrite comme bénévole au festival de Ronquières ? Et pour la troisième fois consécutive, qui plus est ? J’aime l’ambiance de ce festival, générée par des individus venus de tous horizons. Mais me frotter à eux pendant qu’ils se trémoussent et me poussent, très peu pour moi. J’aime les nouvelles rencontres, les bavardages avec les vieilles connaissances, piliers de ma vie entière. Parce que je veux bien être bénévole, mais quand même pas lâchée dans l’arène de l’inconnu. Je veux mes repères avec moi : amis, copines, amoureux.
Si d’aucuns tueraient père et mère pour assister gratuitement à des concerts, moi j’évite le parricide – ils ont la garde de mes enfants pendant deux jours – pour expérimenter le festival vu sous un autre angle. Il y a trois ans, je me suis donc rendue sur le site du Plan Incliné pour servir moult alcools aux festivaliers. Enivrant ! L’année dernière, j’ai réitéré l’expérience, mais cette fois au bar à mojito. Détestable ! Après deux jours à effeuiller de la menthe, mes doigts s’en souviennent encore.
Cette année, j’ai donc testé le bénévolat en cuisine. Mais pas n’importe laquelle, s’il vous plaît ! J’étais affectée à la cantine des artistes. Si d’aucuns auraient tué père, mère, grand-père, grand-mère, oncle et tante pour être à ma place, moi j’ai plutôt coupé sagement des dizaines et des dizaines de tomates que j’ai méticuleusement alternées avec des tranches de mozzarella. Evidemment, je n’étais pas seule à remplir cette tâche ô combien capitale. Des jeunes et des moins jeunes se sont adonnés au remplissage des tomates de crevettes, au dégorgement des concombres en vue d’un somptueux tzatziki, à la transformation des oeufs en mimosas, sans oublier la vaisselle à la main, le dressage des plats, le coupage de pain.
L’âge moyen de ces bénévoles en cuisine était d’une quarantaine d’années, mais quelques midinettes s’étaient infiltrées. Première constatation : c’est quoi ces mini-shorts plus petits qu’une petite culotte ? Soit. Je retourne à mes tomates, mais je ne peux m’empêcher de relever la tête lorsque l’une de ces filles en culottes courtes s’écrie, le smartphone tenu à distance de la bouche : » J’ai servi l’un des Fréro Delavagaaaaaaaa ! Il est trop mignoooooooon ! » Heu ... Qui ? Petit chuchotement à ma voisine de tomates : » C’est qui le frère de Las Vegas ? « . » M’enfin, tu ne connais pas ? » » Heu ... Si sûrement, je n’ai plus l’air en tête là tout de suite ... » Et plus tard, lorsque je me faufile dans le public pour scruter sur scène les deux jeunes hommes mettant une ambiance de feu, ni leur visage, ni les notes de musique qui émanent de leur beau minois n’évoquent le moindre souvenir. Renseignements pris, il paraît que c’est le genre de musique qui vous incite irrésistiblement à pousser votre caddie en cadence dans les grandes surfaces. Bon, je ne dois pas fréquenter les mêmes surfaces.
Travailler comme bénévole à la cantine des artistes a aussi ceci d’intéressant : nous sommes finalement assez semblables, les stars et nous. Elles appartiennent au genre humain, avec d’un côté, les (petites) stars qui se la jouent étoiles (filantes) et d’un autre, celles qui se la jouent très » je-suis-un-homme-comme-tout-le-monde-et-je-sais-d’où-je-viens. Dans la première catégorie, citons par exemple celles et ceux qui ont adopté un régime alimentaire particulier et qui pour pouvoir s’épanouir pleinement, ont besoin de le faire savoir à grands coups de » et comment je fais si je n’ai pas mes protéines non animales ? Dans tous les autres festivals, on m’assure que tous les plats qui me sont servis, il n’y a ni protéine animale, ni lactose, ni gluten, ni ... ni ... » Gnnîîîî, restons zen ! Dans la seconde catégorie, il y a celles et ceux qui vous offrent un sourire, un merci, un » c’était bon « , un » je peux le déposer où mon assiette sale ? « . Ce genre de petites attentions qui fait que vous coupez vos tomates avec un entrain certain, tout en tapant du pied au rythme d’une musique inconnue mais ô combien euphorisante.
L’année prochaine, c’est sûr, j’en serai encore. Mais c’est pas pour autant que j’étudierai l’affiche avant !
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