© PHOTOS FRÉDÉRIC RAVENS

Jean-Michel Saive:  » Quand je joue, c’est pour gagner ! « 

Il en a retroussé des shorts, frappé des balles et accumulé des victoires. Confessions sans filet de la légende belge du ping-pong.

L’ancien n°1 mondial pendant dixsept mois et n°1 belge pendant trente-et-un ans a marqué l’histoire du tennis de table, enfin du  » ping  » comme dit le Liégeois. Si  » Jean-Mi « , comme l’appelle son entourage, a arrêté sa carrière internationale, il est loin d’avoir rangé sa raquette au placard !

Aucun regret d’avoir arrêté le circuit international?

Pas du tout ! J’ai arrêté par phases, d’abord en équipe nationale puis à l’international car je ne voulais pas d’une rupture brutale. J’assume cette décision difficile car, mentalement et physiquement, à 48 ans, je ne peux plus m’entraîner comme à 25. Cédric Nuytinck est le n°1 belge, je suis 6e et je sais que je ne serai plus jamais n°1 mais j’adore toujours m’entraîner, jouer en club et en compétition. Rester actif me permet de conserver une hygiène de vie stable. Je n’ai pas envie de prendre 20 kilos comme beaucoup de ceux qui arrêtent le sport.

Avez-vous encore quelque chose à vous prouver au ping ?

Si j’ai joué aussi longtemps et que je continue, c’est que je veux me prouver, même à mon âge, que je suis encore capable de gagner un match ou de repousser les limites de mon corps. Dernièrement, lors d’un match, mon frère m’a dit d’abandonner parce que j’avais mal. J’avais une petite déchirure, c’est vrai, mais je voulais quand même pour la 1.278e fois essayer de me dépasser. Je suis un compétiteur. Lorsque je joue à un jeu de société, je veux aussi gagner, même contre mes enfants ! (rires) Quand je perds, je râle un peu mais pas longtemps.

Qu’est-ce qui vous plaît tant dans ce sport?

La technique, la rapidité, la stratégie, trouver les failles de l’adversaire, le côté jeu d’échecs. C’est un challenge ! J’adore être un gladiateur dans l’arène et communier avec le public. En dehors du ping, je suis beaucoup plus calme, plus réservé. Je peux être un patapouf devant la télévision et ne rien faire !

Votre plus grand regret dans votre carrière?

Les JO. J’y ai participé sept fois mais je n’ai pas décroché de médaille...

Puis, l’an dernier, vous êtes passé à un poil de la présidence de la Fédération internationale de tennis de table...

C’est dommage, oui, mais, en même temps, l’année et demie de la campagne de la présidence a été une expérience de vie incroyable, humainement enrichissante... Mon université à moi.

Votre plus beau souvenir ?

Quand j’ai été n°1 mondial pour la première fois, en 1994, en battant Waldner, le plus grand joueur de l’histoire du ping à ce moment-là. C’est la seule fois où, dans le vestiaire après le match, je n’arrivais pas à retrouver ma respiration, je suffoquais tellement j’étais pris par l’émotion. J’avais atteint l’Himalaya !

Quand avez-vous commencé à jouer au ping?

Dans le ventre de ma mère ! Elle était championne de Belgique double dames B quand elle était enceinte de moi. Je suis sans doute le seul sportif à avoir un titre dans les deux genres ! (rires) Mon père était 10e joueur belge lors de la naissance de mon petit frère. Vers 9 ans, j’ai commencé à jouer sur les tables de la cuisine et du salon, avec Phil, et puis en club.

Une belle histoire familiale...

Oui, avec tout ce que ça comporte de magnifique, de fraternel et de rivalité aussi puisque mon frère et moi nous avons été n°1 et 2 longtemps. C’est fabuleux d’avoir deux enfants dans le même sport mais à la fois compliqué à gérer pour les parents : quand un des fils gagne un championnat et l’autre le perd en finale, ils doivent être contents pour l’un sans trop le montrer à l’autre pour lequel ils sont tristes. A présent, je joue avec mon frère dans la même équipe, au Logis Auderghem.

Votre compagne joue aussi au ping?

Non, d’ailleurs, elle ne me connaissait pas quand on s’est rencontré : c’est une Belge née en Afrique qui a fait ses études en France avant d’arriver en Belgique. C’est la seule personne de mon entourage qui m’appelle Jean-Michel et pas Jean-Mi !

Et vos enfants?

J’ai échangé quelques balles avec mon fils Yannick quand il était plus jeune. Il joue au foot à Wellen, dans le Limbourg, où il est capitaine de l’équipe des moins de 19 ans et ma fille Naomi fait de la danse.

Pas trop déçu?

Pas du tout parce qu’il y aurait toujours eu des comparaisons, des commentaires, une pression...

Vous avez une table à la maison ?

Non. Si c’est pour avoir, comme Monsieur Toutle-Monde, une table gondolée sur la terrasse ou coincée entre les caisses dans le garage, ça ne me sert à rien... Il aurait fallu que je construise une salle, au jardin, dans des conditions optimales. Mais je vis déjà 27 h sur 24 pour le ping donc c’est très bien sans table !

Justement, le ping est parfois davantage considéré comme un divertissement de garage qu’un sport...

C’est malheureusement le déficit d’image de ma discipline. Souvent, on me lance :  » Aaah mais c’est vous !?!  » en faisant ce geste (il mime un petit mouvement lent et répétitif du poignet), je réponds alors :  » Oui, c’est moi le peintre en bâtiment !  » (rires) Mais personne ne pense cela après avoir vu un match, en vrai, où les coups droits vont hyper vite, où on joue à 4 ou 5 m de la table... C’est pour ça aussi que mon frère et moi, on propose le spectacle  » Showping  » avec les frères Taloche et Pierre Theunis, pour donner de la visibilité à ce sport.

Y a-t-il un manque de reconnaissance de ce sport chez nous?

Oui et, en même temps, je ne peux pas me plaindre car quand on était au plus haut niveau, La Villette Charleroi et l’équipe nationale, les matchs étaient retransmis à la télé. Mais le ping, il faut des résultats de premier plan européens/mondiaux pour qu’on les diffuse à la tv...

Comment voyez-vous l’avenir du ping en Belgique?

On a eu des résultats en juniors, il faut que ces gars-là arrivent à maturité. Ca prend du temps mais on commence tout doucement à voir la lumière au bout du tunnel.

Vous êtes considéré comme une icône du sport belge...

Je suis flatté mais je ne me lève pas le matin en me disant :  » Punaise, je suis un monument classé du sport belge !  » (rires)

A quoi ressemblent vos journées?

Je m’entraîne au ping deux fois par semaine, je joue une vingtaine de matchs par an. Je fais du vélo, de la musculation, je cours... Par ailleurs, je suis conseiller à l’aile francophone de la Fédération de tennis de table, expert au cabinet de la ministre de l’enseignement, Marie-Martine Schyns, et vice-président du Comité olympique belge.

Visez-vous un titre cette année ?

Non. Ce sera d’ailleurs la première fois, depuis 1981, que je n’aurai pas de titre parce que, en équipe, on est moins fort cette année. Mais je le vis bien, pas de souci ! (rires)

Dites, en dehors du ping, vous portez aussi votre short retroussé ?

Ça pourrait m’arriver au bord de la piscine, par réflexe. Par contre, je ne me baladerai pas le short remonté à la terrasse du port où je suis en vacances ! Avant, c’était des trucs tout serrant qui collaient aux cuisses. Maintenant, les shorts de ping sont plus amples mais c’est devenu un tic !

Jean-Michel Saive:
© PHOTOS FRÉDÉRIC RAVENS

BIOEXPRESS

1969

Naissance à Liège

1985

Premier titre de champion de Belgique

1988

Première participation aux Jeux Olympiques

1991 et 1994:

Sportif belge de l’année

1994-1995

Numéro un mondial

1999

Naissance de son fils Yannick

2008

Naissance de sa fille Naomi

Depuis 2015

En couple avec Tamara

2016:

Quatrième coupe de Belgique avec le Logis Auderghem

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