Anne Vanderdonckt

Mince, les minces sont de retour!

Anne Vanderdonckt
Anne Vanderdonckt Directrice de la rédaction

Anne Vanderdonckt observe la société, ses évolutions, ses progrès, ses incohérences. Partage ses doutes, ses interrogations, ses enthousiasmes. Quand elle se moque, ce n’est jamais que d’elle-même.

Je t’ai apporté des chocolats et du saucisson. Il y a aussi de la confiture maison.

Mon oncle remercie. Range le tout dans son armoire. Ne touchera à rien. Pourquoi? Qu’est-ce qui pourrait lui faire plaisir?

-Non, rien, je ne veux pas... grossir, dit-il très sérieusement en poignant dans des bourrelets imaginaires.

A plus de 90 ans, décharné, mon oncle flottait dans ses vêtements. Il ne trouvait plus de sens à sa vie. Mais faisait encore régime. Pour sa santé. Pour son apparence.

Imaginez la force de cette injonction pour qu’un homme dont l’espérance de vie se compte désormais en jours, qu’il espère les plus courts possibles, obéisse encore à la plus puissante de l’époque. Etre mince.

Aujourd’hui, on lit partout des articles scandalisés sur le retour de la minceur porté par des mannequins maladifs aux os apparents ou des stars de la téléréalité qui font ôter leurs implants. Mais la norme de la minceur avait-elle disparu comme on tente de nous le faire croire? Ce serait confondre la tendance et le changement. Ce n’est pas parce qu’on édicte à un moment donné que les rondeurs c’est beautiful et qu’on impose quelques mannequins grandes tailles dans des catalogues de vêtements, que la réalité a changé. Il y a beaucoup d’hypocrisie là-dedans. Une mannequin ronde, c’est quoi? Un 42 doté de formes voluptueuses, mais d’une taille et d’attaches fines. C’est un idéal de la femme ronde. Pas une femme ronde. Une Kardashian, c’était quoi? Des fesses et des seins, oui, mais pas un gramme de graisse. On pourrait comparer cela à toutes ces mannequins et actrices aux cheveux blancs (assumez votre âge! ), dont l’ovale du visage est impeccable et les rides absentes. Une image du vieillissement bien comme il faut (faux).

La réalité de la vie des gens change d’autant moins que les règles sont intériorisées, et entretenues de longue date. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai entendu des femmes se plaindre de leur poids. Lors d’une exposition, j’ai été ébahie par les robes de Wallis Simpson (1896-1986). Incroyable qu’un être humain nanti de tous ses organes ait pu entrer là-dedans. On retiendra d’elle l’expression « Never too rich, never too thin ». Jamais trop mince! Pensez aux silhouettes des années 50 et aux tailles de guêpe du new look de Christian Dior. Aux années vingt qui effacent seins et fesses. Et on peut remonter plus loin... Que ce soit au Moyen âge ou à la cour de Versailles, les élégantes sont des lianes graciles. Les corsets contraignent des corps comme autant de signes extérieurs de richesse. Les femmes du peuple, elles, peuvent se permettre de l’embonpoint, en tout cas dans les périodes où il y a à manger, question d’entretenir leur force de travail. Les Rubens? Une simple parenthèse qui en raconte d’ailleurs sans doute plus sur les fantasmes du peintre que sur son époque.

La réalité est là, d’autant que le combat contre les calories-plaisir accompagne tous les combats de l’alimentation saine qui, très souvent vire au « sans » et à l’excès (jeûnes, régimes-miracle...). Le culte de la minceur a pour compagnons celui de la santé et de la jeunesse. Ce qui lui confère une puissance énorme.

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