« On ressent le désir de ne plus se trahir ni s’abandonner »: redéfinir son identité pour devenir enfin soi-même!
Dans son livre « Maintenant ou jamais! », Christophe Fauré décrit la transition du milieu de vie comme un processus naturel d’évolution, nécessaire et inévitable. Et donne des clés pour devenir la meilleure version de soi-même.
Alors, foutaise, le concept de « crise de la quarantaine ou cinquantaine », tel qu’il a été présenté pendant des décennies? « Au lieu de crise, parlons plutôt de processus de croissance, car la transition du milieu de la vie est une nouvelle étape de notre développement », analyse le psychiatre et psychothérapeute, Christophe Fauré. Celle-ci survient autour de 45-55 ans, parfois un plus tôt ou un peu plus tard. Elle affecte notre être au niveau physique, psychologique, relationnel et spirituel.
« Tout comme l’adolescent se mettrait dans une situation difficile s’il s’opposait (vainement!) aux puissantes transformations inhérentes à son âge, l’adulte en milieu de vie s’expose lui aussi à des ennuis s’il refuse d’accueillir les multiples changements découlant de cette nouvelle étape de sa vie. Ce n’est pas cette transition, en tant que telle, qui pose problème pour la plupart d’entre nous: c’est plutôt le refus, conscient et/ou inconscient, de la reconnaître pour ce qu’elle est, qui nous empêche de l’accepter, de l’accueillir et de l’accompagner le plus harmonieusement possible. »
Donner du sens
Cette transition est plus ou moins intense selon les personnes, mais sa tonalité générale tourne toujours autour des notions d’authenticité et de quête de vérité: « On fait le bilan de sa vie, on prend conscience que le temps est désormais compté. Il y a un parfum de deuil par rapport à ce que l’on avait espéré et qui ne peut plus être. On ressent de l’insatisfaction face à sa vie actuelle.
Apparaissent en parallèle le désir de donner plus de sens aux choses, de découvrir une nouvelle manière de mener son existence, un sentiment d’urgence à laisser une empreinte de soi dans le monde. » Le milieu de vie est le moment où survient ce que le psychanalyste suisse Carl G. Jung a appelé le « processus d’individuation » qui se déroule en cinq étapes.
Nous procédons à un ajustement qui va dans le sens d’une plus grande cohérence avec soi-même.
Pendant les premières décennies de vie, « on construit son identité en s’ajustant aux transformations de son corps, aux contraintes de l’environnement, aux regards extérieurs. En même temps, on fabrique un masque afin d’être aimé et accepté. C’est ce que Jung a appelé la Persona: un compromis socialement viable entre le dehors et le dedans. »
Autour de 45-55 ans, le besoin se fait sentir de redéfinir son identité, de laisser derrière soi la version officielle en transformant la personne que l’on croit être en la personne que l’on est véritablement au plus profond de soi. On prend conscience de l’étroitesse de la Persona, alors fortement ressentie comme un carcan. Et c’est aussi le moment que choisit l’Ombre pour se manifester. « Selon Jung, l’Ombre contient tout ce que l’on a dû refouler dans notre inconscient, qu’il s’agisse des pulsions primaires – donc des aspects négatifs – qui ne nous auraient pas permis de vivre en paix avec les autres, mais aussi des aspects très positifs de notre être, des dimensions de notre personnalité que nous n’avons pas choisi d’activer ou de valoriser au cours de notre développement. »
Devenir un individu complet
Ce temps de confrontation à notre réalité, impossible à nier, est marqué par la fragilité, la vulnérabilité, l’incertitude et des interrogations qui devront trouver réponse. « Comme nous avons dû mourir à nous-même, lorsque nous étions enfant pour devenir adolescent, nous devons aujourd’hui mourir à la personne que nous avons été. En réalité, une illusion de soi est en train de mourir et cela va libérer de la place pour que s’installe en nous davantage d’authenticité et que se déploient d’autres dimensions de notre être. »
Nous procédons ensuite à un ajustement qui va dans le sens d’une plus grande cohérence avec soi-même. « On est par exemple moins dépendant du regard des autres. On ressent le désir de ne plus se trahir ni s’abandonner . » À la fin du processus survient l’individuation qui est l’intégration de toutes les dimensions de notre être afin de nous rendre entier. « Dans l’idéal, cette dernière étape consiste à devenir un individu complet ayant une connaissance de soi plus claire dans ses multiples facettes, ayant reconnu les aspects sombres et négatifs qui se cachaient en lui, accueillant du même coup les aspects positifs et le non-choisi, le non-vécu de son existence. «
La crise du coronavirus, un déclencheur!
La crise que nous traversons depuis un an peut jouer le rôle de déclencheur de la transition du milieu de vie ou, du moins, être un accélérateur face aux décisions à prendre. « Toute période d’instabilité, de vulnérabilité – qu’elle soit personnelle ou collective comme c’est la cas avec le coronavirus – tout événement stressant ou propre à faire perdre ses repères font caisse de résonance face à certains de nos questionnements, analyse Christophe Fauré. Ainsi, des personnes, qui reportaient à plus tard la confrontation aux interrogations liées à la transition du milieu de vie, peuvent être amenées à ne plus tergiverser dans le contexte actuel.
Les questionnements peuvent devenir très précis et urgents, accompagnés d’un besoin aigu d’aller à l’essentiel pour soi et pour sa vie. Je vois certains de mes patients prendre de manière accélérée et plus intense des décisions de milieu de vie: passer à la retraite, déménager, changer de style de vie ... »
Toutefois, prévient le psychiatre, il faut se méfier du réflexe qui pousse à se dégager le plus rapidement possible d’une situation stressante. « Il est au contraire primordial de faire preuve de plus de sagesse, de discernement et de patience face à certaines décisions relatives à des questions de fond qui, souvent, ont besoin de maturer. Il faut prendre du recul afin de vérifier si la prise de décision, que l’on veut hâter, est juste et nécessaire ou si elle n’est pas plutôt guidée par des émotions qui poussent à agir de manière biaisée. Peut-être la décision à prendre est-elle juste, mais il s’avèrera cependant plus sage d’en différer le passage à l’acte à un moment plus opportun . » Aussi, ne faut-il jamais hésiter à demander conseil à des proches ou à un professionnel pour tenter d’y voir clair.
Six domaines à revisiter
Six domaines peuvent être affectés pendant la transition du milieu de vie: le corps, le couple, la relation avec ses enfants, la relation avec ses parents, la vie professionnelle, la vie spirituelle. Si chacun de ces domaines obéit à des enjeux spécifiques, tous appellent à être abordés selon la même finalité: tendre vers plus d’intégrité, de plénitude, de complétude, d’harmonie.
Christophe Fauré recommande de faire, par écrit, un bilan des six domaines, sachant que tous ne feront pas nécessairement l’objet d’un réaménagement. Chaque domaine nécessitant une réflexion est examiné selon 4 axes:
1. Qu’est-ce qui fut bon et utile dans la première moitié de ma vie et que je souhaite conserver intact et poursuivre?
2. Qu’est-ce qui fut bon et utile par le passé mais qu’il est nécessaire d’ajuster dans ma vie actuelle? « Par exemple, je suis à présent le parent d’un enfant adulte et il est nécessaire d’ajuster mon rapport à lui . »
3. Dans mon existence, y a-t-il des choses, anodines ou profondes, que je souhaite arrêter? « Par exemple de mauvaises habitudes comme le tabac, une alimentation trop riche ou une relation conjugale devenue vide et pauvre ou encore le fait d’être sous l’emprise tyrannique d’un père ou de jouer le rôle du sauveur ... ».
4. A quoi n’ai-je jamais donné une chance d’advenir et qu’il serait à présent bon et sain d’initier? « Ça peut être de la méditation, une activité sportive, une relation amoureuse alors qu’on était persuadé, après un divorce ou deuil, que ce serait impossible . »
Ne pas résister au changement
Le moment est également venu de revisiter nos croyances! « Des croyances et des certitudes sur soi jamais remises en question nous ont accompagné pendant des décennies: elles ont participé à la construction de notre Persona. Nourrissant nos peurs, elles ont considérablement limité notre capacité à faire des choix positifs, à prendre des initiatives, à explorer les frontières de notre champ de vie. Nous sommes ainsi restés dans le territoire connu, mais restreint, de nos conditionnements d’antan . »
Pour que cela change, il est nécessaire d’analyser ces croyances sur soi et d’oser remettre en question leur pertinence. C’est un travail qui requiert de la souplesse et du courage, notamment pour affronter notre résistance au changement.
Prendre son temps
Le mot-clé pendant cette transition est la patience! « La transition s’opère généralement sur plusieurs années. Il est donc nécessaire de se donner plusieurs mois – de six mois à un an – avant de prendre des décisions importantes qui peuvent changer le cours de l’existence. Le sentiment d’urgence est le plus mauvais conseiller . »
Il est par ailleurs primordial de profiter de ce temps de réflexion pour enrichir son existence car « ce que l’on va commencer à mettre en place au milieu de notre vie va en déterminer de façon considérable la qualité pour la suite de notre existence . »
Pour finir, n’oublions pas de vivre dans l’instant présent. « Il convient d’accueillir, d’instant en instant, le présent tel qu’il est, et non pas le présent tel que nous voudrions qu’il soit. On vit d’autant mieux l’instant présent que l’on a une direction. Même si, par moments, la direction n’est pas très claire, l’important, c’est que la vie que l’on mène soit en phase avec le chemin sur lequel on se trouve car, comme le disait Sénèque, Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va » .
Karin Van Steerteghem 54 ans: « Faites de votre vie une oeuvre d’art! »
Une formation en Rapid Transformational Hypnotherapy (méthode Marisa Peer), me permet d’envisager très différemment la fameuse crise de milieu de vie. Quel dommage qu’elle soit vue de manière négative, et si souvent tournée en dérision. Si un homme de 50 ans s’achète une Harley Davidson sur un coup de tête ou qu’une femme du même âge change tout à coup de job, on dit: « Ils font leur crise de milieu de vie! ». Ce ne sont que deux exemples parmi d’autres, mais voilà, ils ont osé s’écouter et suivre ce que leur dictait leur coeur. Ils ont ressenti le besoin de penser à eux, de sortir de leur train-train, d’aller vers autre chose. Et d’opter pour ce qui nous fait si peur: le changement! Sans s’inquiéter du qu’en dira-t-on.
Lorsqu’on traverse une crise de milieu de vie on ressent un sentiment très fort de « c’est maintenant ou jamais »! On choisit de suivre ce que nous dicte notre coeur, parce que, à défaut, la dépression nous guette. On se donne une perspective, on s’assure qu’on a encore des buts, on voit l’avenir de manière plus positive, plus passionnante.
Alors pourquoi cette crise de milieu de vie est-elle si souvent tournée en dérision? Au fond d’eux-mêmes, les autres jalousent souvent ceux qui osent concrétiser leurs rêves, ils aimeraient pouvoir en faire autant. Mais une petite voix leur glisse à l’oreille: « Ne fais pas l’imbécile, ne change rien, continue comme d’habitude, ne te ridiculise pas... » Résultat, on refoule ses désirs enfouis, une fois de plus.
Autre critère à ne pas sous-estimer: à la cinquantaine, on a souvent atteint une certaine stabilité financière et une certaine liberté qui permettent de réaliser enfin ses rêves. Il faut donc profiter pleinement de sa crise de milieu de vie car c’est un signal positif. Oui, on a enfin le droit de penser à soi et de concrétiser un ou plusieurs rêves. C’est le moment ou jamais de foncer et faire de sa vie une oeuvre d’art!
Si nous nous écoutions tout au long de notre vie, l’expression « crise de milieu de vie » n’existerait même pas! A 53 ans, j’ai entamé des études d’hypnothérapie et dit adieu à ma carrière de marketing analyst & product manager. Tout cela parce que j’ai fini par m’écouter, et par faire ce que je voulais vraiment faire de ma vie. »
« Maintenant ou jamais! la vie commence après quarante ans », dr Christophe Fauré, Albin Michel, 2020.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici