Pierre Richard: « Jouer le Grand Blanc avec une charentaise? Non! »
Star du cinéma français, Pierre Richard évoque ses rôles, sa famille, ses vignes, ses indignations et même... la disparition mystérieuse de ses boucles !
Loin des personnages malchanceux ou maladroits qui ont fait de lui une icône de la comédie populaire dès les années septante, Pierre Richard se considère comme un chanceux indécent. Pour lui, » pessimiste joyeux « , cinéma rime avec vacances ! L’attachant octogénaire s’est confié lors d’un passage à Bruxelles en marge de la sortie du film Un profil pour deux (de Stéphane Robelin) dans lequel il interprète un grand-père romantique qui séduit, virtuellement, une jeune femme via un site de rencontres.
Je tiens à mon innocence.
Votre personnage est veuf, retraité, ne sort plus de chez lui et il découvre internet. En quoi vous ressemble-t-il ?
Je suis aussi nul en numérique que lui ! Il n’y a que mon téléphone que je sais plus ou moins faire fonctionner. Pour l’ordinateur, je passe mon temps à demander à mon petit-fils de m’aider ! Autre similitude, j’ai toujours été un peu romantique. Pour le reste, je bouge beaucoup et je vais dans tous les pays du monde, je suis le contraire de ce monsieur. Et en plus de cela, je ne suis ni veuf ni inconsolable ! (rires)
Vous avez souvent interprété des personnages maladroits ou malchanceux, comme dans Le Distrait ou La Chèvre. Dans la vie, quel genre d’homme êtes-vous ?
Je suis très adroit car pour jouer les maladroits au cinéma il faut justement être très adroit ! Je ne suis pas malchanceux non plus car j’ai une chance indécente déjà de faire ce que j’ai envie et d’être entouré de gens que j’aime et qui m’aiment. Par ailleurs, je suis innocent et je le souhaite à tout le monde car c’est une capacité d’émerveillement. Le jour où on a perdu cette capacité, on est à moitié mort...
Via ces rôles burlesques vous dénonciez aussi dans vos films ce qui vous indignait à l’époque. Qu’est-ce qui vous met en colère aujourd’hui ?
J’ai quotidiennement besoin d’avoir un motif d’indignation et je le cherche même ! La duplicité des hommes d’Etat, la corruption, la planète qu’on bousille, les lobbys qui n’en ont rien à foutre de l’avenir et qui s’en mette plein les poches en massacrant des forêts, en polluant les mers... Les sujets d’indignation ne manquent pas ! Comme on ne sait pas comment les combattre, ça finit en conversation de café entre amis mais cela ne m’empêche pas d’être en colère et inquiet pour mes petitsenfants. Dans les premiers films, c’était la pollution de la publicité (Le Distrait), qui m’indigne toujours d’ailleurs ; puis la pollution des jeux abêtissants (Les Malheurs d’Alfred), qui continue ; puis les marchands d’armes (Je sais rien, mais je dirai tout) où malheureusement j’étais très en dessous de la vérité... Si je réalisais un film maintenant ce serait sur l’écologie, mais c’est trop tard à mon âge. Cela dit, j’aimerais bien tourner dans un long métrage qui dénonce les méfaits de la mondialisation.
On vous a surnommé le Grand Blond à la suite du film. Et maintenant ?
C’est le Grand Blanc ! (rires) Non, les gens continuent à me surnommer le Grand Blond ou la Chèvre, ce qui m’amuse car c’est une marque de gentillesse.
BIO EXPRESS
1934
Naissance de Pierre-Richard Defays, à Valenciennes
1967
Débuts au cinéma avec Alexandre le bienheureux
1970
Réalise son premier film Le Distrait
1972
Film Le Grand Blond avec une chaussure noire
1981
Film La Chèvre
Depuis 1986
Vigneron dans l’Aude
Depuis une vingtaine d’années
Marié à Ceyla Lacerda
Au fait, où donc sont passées vos boucles ?
Il y a quatre ans, on m’a endormi pour une opération. Je suis descendu sur le billard frisé et j’en suis ressorti défrisé ! Est-ce l’anesthésie ? Le chirurgien m’a dit que c’était la première fois qu’il voyait ça ! Un mystère... J’aimais mieux être bouclé mais il y a pire dans la vie.
A quand une nouvelle suite du Grand Blond ?
Ce serait Le Grand Blanc avec une charentaise ? (rires) Non, non, je n’ai pas envie de me vieillir à ce point-là. Le titre ferait rire en tout cas ! J’ai tourné la page du Grand Blond, je crois qu’il n’y en aura pas d’autre.
En avez-vous eu assez à un moment donné d’être catégorisé acteur comique ?
Non, c’est extraordinaire de perdurer. Je ne vais pas reprocher aux gens de m’avoir aimé pour tel ou tel personnage. Rien ne me fait plus plaisir que de faire rire, c’est une drogue pour moi, mais j’aurais voulu alterner plus tôt rôles comiques et plus sérieux.
Les rôles burlesques vous manquent-ils ?
Je ne pourrais plus les jouer. Tomber de la toiture, me fracasser sur l’asphalte... Je serais incapable d’encore réaliser de telles cascades ! Il faut savoir s’accepter avec l’âge.
Quel père et grand-père êtes-vous ?
Je suis un peu passé à côté de mes deux enfants (Olivier et Christophe) quand j’ai commencé à devenir une star et que j’ai été pris dans le tourbillon du cinéma. Je me suis rattrapé sur mes six petits-enfants (âgés de 12 à 26 ans) que je vois beaucoup.
Aimez-vous revoir vos films ?
Seul, non. Des fois, mes petits-enfants me demandent de leur mettre un de mes films comme La Chèvre ou La Carapate et je me surprends à rester devant la télévision avec eux. Les gags les amusent alors je rigole de les voir rire. C’est eux et pas le film que je regarde finalement !
Qu’est-ce qui vous amuse, dans la vie ?
L’humour de mes amis, des situations inattendues dans la vie quotidienne... Des gens qui trébuchent ou qui se prennent un poteau même si ça s’appelle le rire méchant !
Quels sont vos hobbys ?
J’en ai trop ! Mais il y en a que je ne peux plus faire : le ski à cause mon genou droit ou encore le tennis à cause de mon bras gauche. J’aime beaucoup voyager. J’ai récemment réalisé un de mes rêves en allant en Polynésie.
Puis il y a la passion du vin au Domaine Bel Evêque, à Gruissan...
Aussi. C’est là que je passe mes vacances d’été. Je m’occupe du choix des cépages avec mon oenologue mais je ne prends pas le tracteur, je ne taille pas les vignes, un travail manuel très physique. Pour préserver ma vie privée, je n’accueille les touristes que deux fois par semaine pendant deux heures. Ils prennent des photos, m’achètent des bouteilles... Il y a un monde fou !
Comment vivez-vous votre notoriété ?
Il y a 80 % d’avantages et 20 % d’ennuis. Le sourire des gens, c’est merveilleux. S’il n’y a plus de place dans un restaurant, on m’en fait. Si je suis arrêté par les flics, ils rigolent et d’autant plus si je n’ai pas mes papiers. Mais parfois, quand je refuse de signer des autographes lors d’un enterrement, on ose me lancer que je suis moins drôle qu’à la télé...
A propos, votre vrai nom c’est Pierre-Richard Defays... Pourquoi l’avoir raccourci ?
Parce que ma famille n’était pas du tout d’accord que je fasse ce métier donc je ne voulais pas lui imposer son nom au cinéma et, en plus, quand j’étais en classe, en France, on m’appelait » de fesse » !
Votre rapport à la Belgique ?
Oh, je la connais depuis que je suis enfant. J’habitais Valenciennes et pendant la guerre, on faisait 18 km à vélo avec ma grand-mère et mes cousins pour acheter du chocolat à Bon-Secours, à la frontière. Puis mon grand-père belge avait un appartement à Ixelles et j’allais parfois au Zoute. Maintenant, je viens en Belgique pour le vin, le cinéma et le théâtre.
Vous avez 82 ans. A quand la retraite ?
Tant que j’aurai la santé, j’aurai envie de bouger mais j’aimerais bien avoir plus de temps pour aller à droite à gauche ou pour ne rien faire du tout, rien ! C’est un métier tellement amusant que je n’ai pas envie d’arrêter. Enfant, on joue à l’aventurier, au gangster, au cowboy... En passant à l’âge adulte, j’ai continué à jouer des tas de métiers. Finalement, ma profession est une récréation ! (sourire)
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