Rencontre avec Gerald Watelet : « Je déteste ce qui est à la mode ! »
La restauration, la haute couture, la télévision, la décoration... Le touche-à-tout Gerald Watelet se confie sur ses vies et envies.
Cheminée en églomisé à l’effet python, luminaires en bambou laqué, bustes en marbre... L’ensemblier-décorateur, aussi animateur de « C’est du Belge » et acheteur dans « Affaire conclue », nous reçoit dans sa boutique éclectique, à Uccle.
Dans quelle mesure cette boutique vous ressemble-t-elle?
C’est à la fois classique et le grand mix car j’aime mélanger les époques et styles. On me voit souvent comme quelqu’un d’assez classique et je le suis dans ma volonté de la qualité, de la tradition mais j’aime aussi sortir des chemins battus et offrir une image un peu différente. Chaque pièce a été pensée avec une ambiance, une utilisation bien à elle. Ici, c’est mon bureau où il y a forcément du bazar, là un petit salon qui donne sur le jardin que j’ai réalisé, en bas un cabinet de curiosités où se trouve notamment un avant-bras en marbre que j’adore poser sur une table pour installer une ambiance... Ma couleur préférée est le vert, ça se sent un peu partout ! Ma maison est à l’image de ceci, très personnelle.
En quoi consiste votre travail?
Mon partenaire antiquaire chine toute la partie plus antiquités, moi je suis quotidiennement sur des sites de vente aux enchères, je fais travailler des artisans à partir de mes croquis de lampes, canapés, rideaux, moquettes... Ici, il y a du neuf et de l’ancien, un concept original qui séduit les clients! En tant qu’ensemblier, je vais régulièrement dans des maisons où il y a plein de jolies choses mais qui ne sont pas à leur place ou dans une pièce nécessitant, par exemple, une nouvelle couleur pour mettre l’objet plus en valeur ou d’autres rideaux...
Y en a-t-il pour toutes les bourses ?
Oui, oui, je travaille avec les mêmes tissus que tout le monde, le prix des confections n’est pas plus élevé qu’ailleurs. C’est mon goût qui est peut-être différent car je ne peux pas vivre dans du gris, du beige et de l’écru ! J’aime les maisons très habitées par le décor et les objets autour de moi font partie de ma vie. Je n’ai aucun problème à être seul chez moi.
Vous êtes passionné de luxe...
Du vrai ! J’adore les choses et les gens authentiques, je déteste le faux semblant, le tralala inutile. En fait, je suis assez basique. Je préfère manger des bons oeufs que du mauvais caviar sous prétexte que c’est chic ! Pour moi le luxe, c’est la qualité, pas le stoef (Ndlr : l’esbrouffe à Bruxelles). Aussi un peu la rareté, je n’aime pas avoir la même chose que tout le monde.
Quel est votre objet préféré?
Une bague de ma grand-mère, que je ne quitte jamais... Je vais graver dessus mes quatre « R » : pas de regret, pas de remord, pas de rancune, pas de revanche. Pas facile, hein?
Des nouveautés depuis l’ouverture de la boutique en avril?
Une fois par semaine, on peut réserver une table pour 8 à 10 personnes et moi je cuisine ! Je compose le menu avec la personne qui invite, on dresse la table, il y a un serveur, les gens prennent l’apéritif dans la boutique et mon associé peut être là pour parler des objets anciens. En outre, je dessine désormais aussi du linge de cuisine, de table, de lit et de salle de bain.
Une source d’irritation dans la déco ?
Je déteste ce qui est à la mode ! N’ayant pas suivi d’études artistiques, je ne me préoccupe pas trop de ce qui se fait et ne se fait pas. J’adore les choses qui durent longtemps. Nous vivons dans un pays où il fait souvent moche, pluvieux, noir, donc je trouve qu’on a besoin de maisons plus cossues, plus accomplies, plus personnalisées. Je n’aime pas les gourous en mode et en déco qui énoncent des trucs tout faits. Qui peut dire ce qui est beau ou pas? C’est subjectif!
Comment voyez-vous l’évolution du secteur ?
On revient vers des choses plus personnalisées. J’ai une demande de gens qui en ont un peu marre du blanc, du beige... Le vintage, c’est bien mais tout le monde a la même maison avec le petit fauteuil années 50, la carpette ceci ou cela... Evidemment, la mentalité a fort changé: dans le temps, on aurait plus vite pensé à avoir une maison bien en ordre alors qu’aujourd’hui on pense plutôt aux loisirs, à partir plus en vacances. Je sens en tout cas une amorce vers des choses, pas nécessairement baroques, mais plus abouties.
D’où vient cette passion pour la décoration ?
Enfant unique, je traînais souvent seul et donc je rêvais beaucoup. J’imaginais des univers, des jardins, des maisons, j’écrivais, je dessinais, je confectionnais des robes sur ma mère, sur mes cousines, je créais des décors... On vivait avec les saisons, le potager, le verger. On m’emmenait au théâtre, à l’opéra... Une enfance Walt Disney...
Que rêviez-vous de devenir?
Danseur de ballet mais, pour mon père, ce n’était pas un métier ; puis vétérinaire mais ça m’est passé ; ensuite ingénieur agronome pour partir dans les pays tropicaux ; et, finalement, j’ai fait l’école hôtelière parce que je suis né dans une famille qui adore bouffer!
Comment avez-vous atterri dans « Affaire conclue » ?
Ils sont venus me chercher. C’est très chouette à faire ! De temps en temps, un des objets présentés me plaît vraiment. Durant l’émission, j’ai notamment acheté cette paire de candélabres en bronze argenté XVIIIe, une copie d’un modèle Louis XV, de très belle qualité.
Et vous animez toujours » C’est du Belge ». Pas de lassitude?
Non, j’adore parce que je rencontre des gens et l’émission a très bien évolué en quinze ans. On a abandonné cette étiquette royale du début afin de valoriser les nombreux talents francophones et néerlandophones. Je suis le dernier qui reste du début de l’émission !
Vous avez eu une maison de haute couture. Ça vous manque ?
J’ai connu vingt belles années mais c’était devenu trop compliqué financièrement. Si la partie créative m’a manqué, en rentrant de Paris, en 2009, je suis vite tombé dans les antiquités et la déco. Au lieu de dessiner des silhouettes, je dessine des canapés et des lampes! Grâce à la haute couture, j’ai une proximité avec les textiles, matières, couleurs, que d’autres décorateurs n’ont pas...
Vous avez déjà exercé un tas de métiers!
Il s’agit d’une continuité. Cette boutique est un peu le résumé de tout ce que j’ai fait : la cuisine, recevoir, les gens s’habillent bien pour venir, il y a un décor, etc. C’est un peu réaliser les rêves des gens tout en réalisant les miens.
Dans le privé, avez-vous une déformation professionnelle?
Quand j’entre dans une maison, j’observe les interrupteurs, les plinthes, les poignées de portes, des trucs que personne ne regarde et rapidement je mets le doigt sur quelque chose. J’essaie d’ailleurs d’éradiquer ce réflexe ! Dans le temps, je dévisageais mes copines des pieds à la tête ce qu’elles trouvaient super désagréable. Ca m’est passé. Parfois j’aimerais ne rien voir mais c’est plus fort que moi!
Vos proches demandent votre avis?
Oui mais certains ont peur, hein ! Ma mère se demande quoi porter quand je lui rends visite pour éviter mes réflexions. En fait, j’ai pris le pli de ma mère et de ma grand-mère qui étaient en permanence picco bello. Dès mon plus jeune âge, je devais aussi être impeccable. Quand ma mère me regarde à la télévision et trouve ma chemise mal repassée, elle m’engueule ! Il m’arrive de lui faire des commentaires ou, par exemple, de dire à une amie qu’elle ressemble à une boerin (Ndlr : paysanne) avec sa robe bizarre. Si ça lui plaît, tant mieux, je m’en fous, en restant sur mon avis....
Ah, je me sens analysée du coup !
Non, non ! (rires) Vous avez vu comme je suis? Il y a des taches sur mon pantalon. Plus jeune, j’étais difficile, toujours en costume-cravate, mais en vieillissant, je suis devenu plus cool.
Pour vous, le pire fashion faux pas?
C’est plus en lien avec l’âge et une forme de dignité : il faut accepter de vieillir sans se vieillir. Vouloir à tout prix avoir l’air jeune, c’est catastrophique ! Les femmes qui portent des jupes trop courtes, des robes sans manches avec les bras qui pendent jusqu’aux genoux, je ne comprends pas...
Manque-t-il une corde à votre arc?
Si je devais encore faire quelque chose, ce serait les décors et costumes ou de la mise en scène pour le théâtre ou le cinéma : magnifier un univers imaginé par un autre ou soi-même. Acteur me plairait aussi mais je fais déjà de la comédie deouis 55ans ! (Vires!
Y a-t-il la place pour une vie privée?
Oui, je vais chez mes parents une fois par semaine, j’appelle maman tous les jours, j’ai plein d’amis, un compagnon portugais depuis 20 ans... Je sors moins car ça m’ennuie. Mon loisir, c’est ma terrasse, gratter dans mes bacs de plantes, promener mon chien. J’espère vieillir dans une maison de campagne au Portugal, avec un verger pour faire des confitures, entouré de veaux, vaches, cochons, teckels et chats car je suis très bestioles !
Gerald Watelet – 1963 Namur
- 1981 : Diplômé de l’Ecole hôtelière
- 1988-2009 : Maison de couture à Bruxelles puis à Paris
- Depuis 1999 : En couple avec Joao-Miguel
- Depuis 2005 : Présentation de « C’est du Belge »
- 2009-2012 : Cuisinier dans » Sans Chichis »
- 2012-2015 : Emission » Un gars, un chef »
- Depuis 2017 : Expert dans « Affaire conclue «
- 2019 : Ouverture de sa boutique de déco
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