Rencontre avec Luc Noël, animateur de Jardins & Loisirs: « Le jardin, c’est l’antidote au stress »
Sa passion verte a germé durant l’enfance. Il la cultive en semant des conseils en toute saison. Récolte de confidences de l’emblématique animateur de « Jardins & loisirs ».
Monsieur Jardinier », comme on le surnomme, nous présente ses plantes en enchaînant avec facilité leurs doux noms latins. Il raconte même l’historique de l’une ou l’autre espèce. Puis, il s’émerveille devant le chant des nombreux oiseaux voltigeant au-dessus de son potager, de son cognassier, de son frêne adoré... Luc Noël, 61 ans, nous accueille dans son jardin, à Romerée (Doische).
Dans votre dernier livre, vous proposez « 1000 conseils pour les jardiniers » au fil des mois. Si vous n’aviez qu’une seule recommandation pour avril?
S’investir au potager! C’est gai et très agréable de profiter de son travail! En avril, on commence les semis en pleine terre, on pourra déjà repiquer des salades, choux, etc. Les légumes nous permettent de voyager dans l’assiette car il y a beaucoup d’espèces exotiques disponibles. C’est l’occasion d’intensifier des circuits courts dans notre alimentation et de créer du lien social en échangeant notamment avec ses voisins, en partageant des graines, des plants à repiquer...
Etes-vous beaucoup sollicité pour des conseils?
Oui, bien sûr! Les gens me surnomment « Monsieur Jardinier ». Dans la rue, au magasin, etc. ils me remercient pour l’émission et en profitent pour me poser une question à laquelle je réponds volontiers. Les aider gentiment fait partie de mon métier, de ma vie. J’essaye néanmoins de préserver des moments d’intimité donc quand je vais au restaurant avec mon épouse, je m’assois face au mur de manière à ne pas être reconnu.
Vous présentez « Jardins & loisirs » depuis vingt-quatre ans. Quelles évolutions avez-vous constatées?
On a débuté l’émission au moment où les jardins, libérés des potagers économiques, développaient un visage beaucoup plus ornemental. On découvrait tout l’intérêt de la diversité des plantes vivaces et la diversité des arbustes. On a assisté au développement des pièces d’eau ; à l’évolution du jardin en tant que pièce supplémentaire d’habitation...
Encore plus depuis l’apparition du coronavirus...
Oui, c’est une pièce qu’on décore, qui se complexifie avec des coins de repos, de convivialité pour recevoir ses amis, une cuisine extérieure, des espaces pour travailler avec l’ordinateur... Des tendances qui se sont intensifiées avec la crise sanitaire. Chaque jardinier s’investit selon son propre caractère, on pourrait dire « Montre-moi ton jardin, je te dirai qui tu es ». Le jardinage a toujours été un loisir populaire car il a la capacité d’occuper l’esprit. Il vous tire vers demain, c’est magique! Un plaisir quotidien d’être au contact avec la nature, de changer de rythme. Nous nous habituons à vivre, au quotidien, avec un certain stress alors que le jardin n’est pas dans l’urgence... Si vous avez semé des petits pois, vous aurez beau les bombarder de sms, ils ne pousseront pas plus vite, il faudra quand même attendre deux mois pour les récolter! (sourire)
Et quel constat par rapport au réchauffement climatique?
Depuis ces dernières années très chaudes, il y a un constat très net: les plantes annuelles (géranium, lobelia, surfinia...) sont en régression car elles représentent un certain budget lors de l’achat, un coût en eau et un travail d’arrosage chronophage.
Quelles précautions prendre face aux épisodes de sécheresse?
Il faut préserver l’humidité du sol en le couvrant: on étend les tontes de gazon, les feuilles mortes, de la paille, au pied des rosiers, des arbustes, entre les vivaces, entre les légumes au potager... Ce tapis permet d’éviter que le soleil évapore l’humidité de la terre en surface et d’améliorer la structure du sol par la création d’humus.
Comment expliquez-vous la longévité de « Jardins & loisirs »?
Le jardinage rassemble toutes les générations et classes sociales. Le jardin, c’est l’antidote au stress, aux contrariétés... Il nous ressource, nous rééquilibre, nous reconnecte au vrai rythme de la nature. Puis, il y a la qualité. Une émission hebdomadaire, c’est une discipline monastique. Je me refuse à faire une télévision uniquement de divertissement où il y a une teneur culturelle très faible. Les gens ne sont pas stupides! Je reste attaché à une démarche de densité, je n’ai pas peur de mettre vingt noms latins dans un reportage ou de parler de maladies de plantes. On reçoit beaucoup de retours de téléspectateurs qui apprécient. Je pense que c’est grâce à tout cela que l’émission n’a pas tourné en eau de boudin. Ce qui est extraordinaire avec le jardinage, c’est que ce n’est jamais fini. Tout ce qu’il y a encore à découvrir m’enthousiasme!
Les émissions sont en partie tournées chez vous. Que pensez-vous de votre propre jardin de 30 ares?
Comme je suis le jardinier de la télévision, les gens pensent que je dois avoir un jardin exceptionnel. D’ailleurs, des voitures ralentissent pour le regarder... Mais il y a encore énormément de rêves à concrétiser dans mon jardin. On compte notamment restaurer une vieille serre, à l’ancienne, en ferronnerie et créer un parterre méditerranéen. A la pension, je commencerai ma seconde vie pour accélérer le rythme des réalisations dans le jardin! Puis, il y a aussi l’apiculture que j’ai un peu laissée de côté à cause de la masse de travail de l’émission.
La plus grande fierté dans votre jardin?
Mon frêne pour lequel je m’inquiète quand il y a des tempêtes. Cet arbre est l’âme du jardin! Je ne lui fais pas de grands câlins mais je le regarde tous les jours.
Luc Noël
- 1959 – Naissance à Louvain
- 1973 – Première pige à la RTBF, sur les nichoirs, dans « Feu vert »
- 1978-1982 – Etudes de biologie
- 1983 – Membre du Centre apicole de recherche et d’information, à l’UCL
- 1984 – Mariage avec Christine
- 1986 – Débute en télévision, à « Télétourisme » (RTBF)
- 1992 – Crée et présente le magazine « Objectif Terre »
- 1997 – Lance l’émission « Jardins & loisirs »
- 2020 – Sort le livre « 1000 conseils pour les jardiniers débutants & expérimentés » (éd. Racine)
Quand trouvez-vous le temps de mettre la main à la terre?
Certains soirs et le week-end mais parfois je suis tellement à haute dose là-dedans avec l’émission que j’ai du mal à trouver le courage d’encore jardiner. (rires) Cela dit, une fois que j’ai enfilé mes bottines et que je suis dans le jardin, je n’en reviens qu’à la nuit tombée! Par ailleurs, des loisirs comme la photographie et la montgolfière me permettent de changer d’univers.
D’où vient cet amour pour la nature et le jardinage?
J’avais mon potager personnel chez mes parents, à Chaumont-Gistoux, et quand j’ai été confronté à la beauté des oiseaux du jardin, ce fut une révélation vis-à-vis de la nature. Vers 12 ans, j’ai commencé à leur fabriquer des nichoirs et des mangeoires. Je collectionnais de la documentation sur la nature, puis j’ai fondé avec mes copains de classe un club de protection de la nature, « Cave Nos » (« Faites attention à nous »). J’ai été impliqué dans ce club et son journal, durant toute l’adolescence. Ce petit club local a donné naissance à l’asbl « Jeunes et nature » qui existe toujours. Je suis très heureux que ce mouvement se perpétue!
Avez-vous transmis votre passion à vos enfants?
Ah... Ce n’est pas simple... Ayant jardiné durant l’enfance, j’ai invité nos enfants à nous aider. La graine est semée mais, pour l’instant, aucun des cinq (âgés de 24 à 34 ans, ndlr) n’a développé une passion personnelle. En tout cas, un de nos fils a vraiment une main verte! Nos enfants ont suivi d’autres voies comme le graphisme, le droit ou encore l’enseignement. Quant à mon épouse, aussi amoureuse de la nature, elle est très active au jardin vu que je suis peu présent.
Vous êtes parodié dans l’émission d’humour « Le Grand Cactus ». Qu’en pensez-vous?
Je regarde mais je ris rarement! Certains ne demanderaient pas mieux que d’être parodiés car c’est un signe de reconnaissance de votre travail, de la place que vous occupez dans la sphère médiatique. Néanmoins, je déplore la récurrence de cette parodie depuis tant d’années. Ne passeraient-ils pas à un autre visage de la télévision?
Je n’apprécie pas que mon travail soit détourné pour en faire un produit à part entière. De plus, ce détournement me dédouble, me crée une personnalité qui n’est pas la mienne: parfois ça vole bas et je n’aime pas la vulgarité. Je regrette que des gens me connaissent maintenant plus par « Le Grand Cactus » que par mon véritable travail...
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