Rencontre avec Roch Voisine: «La Rochmania ne me manque pas!»
«Hélène» n’a pas pris une ride. Lui non plus. Le chanteur canadien se confie avant de fêter les 35 ans de son album mythique sur sa première scène européenne.
Vous souvenez-vous (oui, sûrement) de ces paroles? Seul sur le sable, les yeux dans l’eau, mon rêve était trop beau… La vague, enfin, carrément le tsunami Roch Voisine a déferlé sur la Belgique et ailleurs grâce à sa chanson romantique «Hélène», sortie en 1989. Eh oui, déjà! L’album s’est écoulé à plus d’un million d’exemplaires. S’il en a parcouru du chemin depuis cette époque d’hystérie collective, Roch Voisine et sa guitare invitent les fans à plonger dans leurs souvenirs lors d’un concert à Forest National. Tête-à-tête avec le sexagénaire au charmant accent du nord…
Pour les 35 ans de votre premier disque, vous revenez, en avril, à Forest National, votre toute première scène européenne…
Oui, je n’oublierai jamais ce très grand moment de mon histoire. C’était un choc culturel, la folie! On ne s’entendait même pas chanter, ça faisait drôle. Le public québécois était déjà exceptionnel, debout sur les chaises et tout mais ici… Wooow, la barre a été placée très haut! (rires) Après ce concert, il a fallu s’adapter techniquement notamment. Le branle-bas de combat avant les concerts qui suivaient à Paris! Le public belge a toujours été très agréable, fidèle et chaleureux. Je connais de bons restaurants à Bruxelles, j’ai vu plein de salles, mais je n’ai malheureusement jamais eu le temps de vraiment visiter le pays. Bizarre, hein, en trente-cinq ans?
Vous aviez surtout des jeunes spectatrices. Votre public a-t-il changé?
Le public a surtout évolué depuis «Americana», ma série de concerts country-folk-rock. Comme il s’agit plus d’une musique de mecs, la démographie a tout à coup complètement changé dans la salle pour devenir 50/50, autant d’hommes que de femmes! Les copains venaient aux concerts car ils n’avaient pas la chance d’entendre cette musique ailleurs à moins d’aller aux Etats-Unis. Il y a parfois plusieurs générations dans les salles. Le public dépend des cultures, des pays, du style de spectacle…
Que reste-t-il de la Rochmania du début des années 90?
Je ne sais pas. On n’est pas là pour recréer la Rochmania, on n’a plus le même âge, plus les mêmes goûts… On veut se payer un petit voyage dans le temps, un instant de folie, évoquer des souvenirs… Je suis curieux de voir ce que cela donnera et si la salle sera pleine!
On a beau me dire que je ne fais pas mes 60 ans, je les ai!» – Roch Voisine
Cette folie de l’époque vous manque?
Non, pas du tout! Aujourd’hui, j’ai une famille, des enfants… J’ai des responsabilités et il n’y a plus de place dans ma vie pour ce vent de folie. ça m’a plu dans le temps, mais cette époque est révolue.
Et vous, en quoi êtes-vous différent?
Je n’ai plus les mêmes envies, ni la même énergie, je ne découvre plus grand-chose alors qu’à l’époque tout était neuf! A 12 ans, je ne grattais pas la guitare dans le garage. J’en jouais parfois un peu dans les escaliers de la résidence de l’université mais j’ai appris mon métier en l’exerçant. Monter un concert reste à chaque fois un nouveau défi. J’aime toujours la scène sauf que, depuis que j’ai des enfants, je ne pars plus pendant des mois. Un mois sans ma fille de 3 ans, c’est déjà trop long. J’ai une vie personnelle et, puis, on a beau me dire que je ne fais pas mes 60 ans, je les ai! Quand je me lève le matin, j’ai mal aux genoux… Alors, on dit «le mythe», ça va, il y a une réalité aussi! (rires)
Et le secteur de la musique a fort évolué…
Oui, c’était beaucoup plus agréable avant. La consommation de la musique était différente. Je ne sors pas de nouvel album parce que les gens n’achètent plus de disques et les plateformes numériques ne nous payent presque pas, donc ce n’est pas rentable. La situation n’est pas jojo, quoi! Puis, avec les progrès de la technologie, on n’a plus vraiment besoin de moi. Aujourd’hui, un gars peut sortir, très rapidement, une chanson pour sa copine grâce à l’intelligence artificielle. Il lui suffit d’encoder son prénom, des mots-clés et, hop, le tour est joué. Et en l’écoutant, l’élue de son cœur sera aux anges... On en est là! Il faut adapter notre façon de travailler. Je donne plus de concerts qu’avant, une centaine par an dont une bonne cinquantaine en Europe.
Votre ballade «Hélène» a lancé votre carrière francophone. En avez-vous assez que ce tube phénoménal vous colle à la peau?
Bah, cette chanson m’a aidé évidemment mais aussi nuit… Elle a fait de l’ombre aux 29 albums dont 21 originaux que j’ai sortis ensuite. C’est énervant et dommage d’avoir été réduit à cette chanson… Mais «Hélène» ne m’appartient plus. En concert, j’adore toujours regarder le public la chanter avec moi, car cela fait trente-cinq ans qu’il vit avec elle. Leurs yeux sont les mêmes... C’est extraordinaire!
Pourquoi cette chanson a eu tant de succès?
Je ne sais pas trop... Les francophones d’Europe sont fascinés par la culture américaine. Je suis arrivé en tant qu’artiste américain qui chantait comme un Américain mais en français. Et je n’étais pas un Français qui copiait un Américain. C’est subtil… Sans vouloir me comparer à lui, on pourrait un peu faire le parallèle avec Joe Dassin, un Américain venu ici faire des trucs que personne ne pouvait faire. Je pense que cela explique, en partie, la recette du succès.
Roch Voisine
– 1963: Naissance à Edmunston (Canada)
– 1989: Sortie de son premier album «Hélène»
– 2003: Album «Je te serai fidèle»
– 2004: Naissance de son fils Kilian
– 2006: Naissance de son fils Alix-Elouan
– 2008: Premier des trois albums «Americana»
– 2010: Commentateur pour le hockey aux JO de Vancouver
– 2019: Tournée Roch Acoustic
– 2020: Naissance de sa fille Lily-Dorina
Est-elle aussi populaire en anglais?
Absolument pas! Personne ne connaît cette chanson.
Au fond, qu’est devenue cette fameuse Hélène?
C’était la copine d’un ami du hockey sur glace. J’avais écrit cette chanson, en 1982, comme cadeau pour la Saint- Valentin. Je ne l’ai plus revue depuis une trentaine d’années… D’ailleurs, mon copain n’était déjà plus avec elle quand la chanson est sortie en 1989! Je pense qu’Hélène a un centre de bien-être dans le nord de Montréal.
Vous avez presque quarante ans de carrière. Quel est le secret de votre longévité?
La passion! Entretenir un bon contact avec le public et énormément bosser, il n’y a pas de secret… J’ai sorti un album par an pendant trente ans. J’ai d’abord eu un style très pop puis je suis revenu plus dans mes racines à moi, folk-country.
Votre look beau gosse doit aussi aider…
ça, c’est grâce à ma grand-mère qui était une très, très, jolie femme! En tout cas, je ne fais rien de spécial, pas de botox…
Et le secret de votre forme physique?
J’ai été sportif pendant longtemps et chanceux de pouvoir jouer au hockey sur glace jusqu’à 57 ans, quand même! J’ai arrêté à cause de l’arthrose, etc. A un moment donné, j’ai pris conscience de mon âge et j’ai eu moins envie de faire le fou. J’ai, par exemple, skié dans des endroits où j’aurais pu me tuer 20.000 fois. Plus jamais je ne le referai! Je me suis assagi… Maintenant, le ski en peau de phoque (ski de randonnée) m’attire. Je connais un beau circuit et ce sport permet de garder la forme.
Avez-vous connu la crise de la soixantaine?
Oui, honnêtement, j’ai trouvé cela un cap difficile. En me regardant dans le miroir, je me dis: «Merde, j’ai 60 ans. Oh, je suis un vieux!» Bien sûr, à notre époque, à cet âge-là, on est encore capable de beaucoup mais il faut commencer à se respecter un peu plus, écouter son corps. Avancer en âge a aussi des bons côtés comme le fait de prendre davantage le temps d’apprécier les choses simples de la vie…
C’est énervant et dommage d’avoir été réduit à Hélène…» – Roch Voisine
Vous songez parfois à la retraite?
J’ignore si je serai capable de la prendre car j’aime trop mon métier mais il a changé et il est physiquement exigeant.
D’où vient cette passion pour la musique?
La guitare est apparue dans la maison, je ne sais plus trop pourquoi ni comment. Je trouvais ça cool d’en jouer! Cet instrument me servait également de moyen d’expression car j’étais plutôt timide à l’époque. Mais jamais je n’aurais pensé en faire mon métier! La musique, c’était juste pour m’amuser. J’ai d’abord voulu devenir hockeyeur professionnel. Médecin aussi. J’ai suivi des études de kinésithérapie que j’ai interrompues un an ou deux. Je n’y suis jamais retourné… Pas de regret.
Comment vivez-vous la notoriété?
Il y a plus d’avantages que d’inconvénients. Quand on est là pour faire plaisir aux gens, habituellement on ne vous poursuit pas dans la rue avec un bâton! (rires) J’ai la chance d’habiter au Québec ; là, il n’y a pas de paparazzi, on me fiche la paix. ça m’a permis d’être un papa normal, d’élever mes enfants, de faire le marché avec eux, etc.
Cela fait quoi d’être l’idole de milliers de femmes?
Je ne pense jamais à ça...
Que réservez-vous au public à ce concert anniversaire?
Je ne me suis plus produit dans de grandes salles avec ce genre de présentation-là depuis longtemps. On va faire un show un peu comme à l’époque, avec des avancées de scène. Ca ne sera pas le spectacle de Madonna, mais ça va déménager! Il y aura moyen de faire voyager 6.000 personnes dans le temps. Avec aussi d’autres titres que ceux de l’album «Hélène» et même une nouvelle chanson écrite spécialement pour l’événement. J’espère que le format rappellera ces belles années aux spectateurs, des émotions, et qu’ils s’éclateront dès le début. Comme à l’époque...
Concert «Hélène 35». Le 4/4, à Forest National, Bruxelles. www.ticketmaster.be
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